~ Remontée à Impel Down [2ème partie] ~

Les escaliers étaient plongés dans une noirceur complète et on ne pouvait rien distinguer du tout. Lucci tâtonnait les marches de ses doigts afin de ne pas s’enfarger. Il progressait lentement dans cet interminable escalier en colimaçon. Son diamètre était assez large pour permettre aux effroyables gardes bestiaux de monter et descendre dans la tour, mais pas assez pour laisser passer l’énorme loup que Lucci avait terrassé quelques minutes auparavant. Étrangement, il ne ressentait pas le besoin de se reposer, comme si l’énergie coulait à flot continu dans tout son corps. Plongé dans ses réflexions, il passa à deux doigts de ne pas entendre les bruits de pas un peu plus haut. Une voix s’éleva:
-Y a quelqu’un?
La pénombre les empêchait de se voir. Néanmoins, si le garde ouvrait une quelconque source de lumière, il était perdu. Ne sachant trop quoi répondre, Lucci s’écria :
-Oui, moi. Que se passe-t-il?
-C’est mon tour de patrouille dans le 5.
-Ah oui, c’est vrai! Bah rien à signaler dans le 5. Quelque chose de spécial dans le 4?
-Non. Par contre, j’ai entendu dire qu’il y avait de l’agitation dans le 2 et le 3.
-Ah?
-Oui. Il y aurait des rumeurs d’évasion et des balivernes dans le genre. Les prisonniers sont tout excités. Quelle bande d’imbécile.
-Tu l’as dit.
-Merde! J’ai pas envie d’aller dans la glacière… c’est froid et chiant.
Lucci réalisa que si ce garde se rendait au niveau inférieur, il sonnerait l’alerte au plus vite. Il saisit donc l’occasion pour éloigner cette nuisance:
-T’aimes pas le 5? Personnellement c’est celui que je préfère. Je peux y réfléchir en paix sans être dérangé par des complaintes de prisonniers partout.
-C’est bien vrai, mais moi je trouve ça plus lugubre qu’autre chose.
-Écoute, si tu veux, on peut échanger nos tours de patrouille. Retourne dans le 4 et moi je retourne dans le 5. Personne ne sera au courant.
-Vraiment? Ça ne te dérangerait pas?
-Pas le moins du monde.
-Bon… alors merci l’ami! On se verra demain.
-Tout à fait. À plus tard.
Lucci descendit quelques marches et attendit de ne plus entendre le patrouilleur avant de se mettre discrètement à remonter. Une ou deux minutes plus tard, il se trouvait à l’étage quatre d’Impel Down, l’enfer de la chaleur, la fournaise.

La fournaise
La première chose qui frappa le prisonnier en fuite fut l’atroce odeur qui flottait à ce niveau, une sorte de senteur de chair brûlée. Contrairement à l’étage inférieur, il n’y avait aucun brouillard ici, si ce n’était la fumée qui se dégageait des énormes bassins bouillants. Les murs de pierres contenant les cellules étaient reliés les uns aux autres par des passerelles de roche qui traversaient tout l’étage. Elles devaient être empruntées assez rarement, car les vapeurs qui se dégageaient des bassins devaient chauffer énormément la zone. Soudain, Lucci aperçut un prisonnier qui se faisait trainé sur une passerelle un peu plus haut. On le jeta dans bassin. Le cri qu’il poussa était tout à fait atroce, car on avait retiré toute l’humanité de cette personne.
Les bassins étaient si énormes que Lucci, d’où il se trouvait, ne pouvait voir leur contenu. Curieux, il s’approcha d’une échelle collée à un bassin. Il agrippa les barreaux de fer et ressentit une vive douleur dans ses mains alors qu’il commençait à monter: ils étaient brulants. Quelques secondes de souffrance plus tard, il apercevait le contenu de ces articles de tortures: du sang bouilli. Des flammes s’élevaient de cette effroyable mixture pour aller lécher les passerelles où se trouvaient les prisonniers. On les plongeait dans ce sang bouillant et on les y laissait pendant quelques minutes avant de les renvoyer dans leur cellule. La douleur devait être atroce, mais certainement pas autant que celle que Lucci avait vécu dans l’enfer de glace. Il descendit l’échelle avec hâte et s’approcha d’une des sections de l’étage. C’était un énorme bloc de roche, qui aurait pu être pris pour un bloc appartement s’il avait été vu en dehors de cette prison, mais il s’agissait ici de centaines de cellules regroupées en un seul bloc. Les vêtements que Lucci avait empruntés aux patrouilleurs de l’étage cinq ne le faisait pas du tout passer inaperçu : manteau de fourrure, bottes de cuir, mitaines en laines, lunettes contre le froid. Il devait en disposer au plus vite. Un garde s’approcha, s’interrogeant probablement sur son uniforme.
-Que fais-tu ici avec cette tenue! Va te changer immédiatement dans la caserne! Et plus vite que ça!
L’évadé en déduit qu’il s’agissait là d’un supérieur. Il se hâta dans la direction indiquée par le patrouilleur pour déboucher dans une pièce où de nombreux gardes discutaient en sirotant une tasse de café ou en mangeant du pain frais. Il ne s’éternisa pas dans la salle de détente et passa immédiatement là où les uniformes étaient entreposés. Lucci retira son équipement et le mit dans un bac de vêtements similaires. Puis, il revêtit le costume de patrouilleur du niveau 4, beaucoup plus approprié et ample. Néanmoins, il avait toujours l’air d’un prisonnier, accoutré comme il l’était avec sa barbe et ses longs cheveux. Il passa dans la salle de bain et sortit ses griffes afin de se raser. Il coupa également ses cheveux de sorte qu’en ressortant de la salle de bain, il avait l’air tout à fait normal. Puis, en voulant sortir, il décida de s’arrêter un instant à la salle de détente pour reprendre un peu ses forces. Il se versa un peu de café bien chaud et ramassa un ou deux pains aux herbes qui trainaient sur la table. Puis, il s’assit dans un des fauteuils de la pièce. Tout en mangeant, Lucci écouta les conversations:
-Vous avez entendu ce qu’on dit à propos de l’étage 2 et 3? Des prisonniers auraient réussi à sortir de leur cellule.
-Oui, j’en ai entendu parler. Ils se sont fort probablement fait massacrer avant d’atteindre l’étage supérieur. Les gardes bestiaux sont en train de faire le ménager.
-L’émeute est terminée, et si elle ne l’est pas, elle ne tardera pas à finir, croyez-moi.
-Bah, après tout ce n’est pas la première fois qu’il y a de l’agitation ici. Ça fait 2 ans que je travaille ici, et ça arrive au moins une fois par trimestre.
-Ça c’est bien vrai, mais un patrouilleur du niveau 2 m’a fait comprendre que c’était beaucoup plus gros qu’auparavant.
-Balivernes. Ils sont tout à fait inoffensifs.
-Il n’en demeure pas moins qu’ils ont réussi à sortir de leur cellule. Inoffensifs mais rusés.
-J’ai entendu dire qu’une bande de 3 pirates avaient réussis à échapper au courroux des gardes bestiaux.
-Oui. Et on dit même qu’au lieu de remonter… ils ont commencé à descendre.
Lucci avait fini son petit repas et s’apprêtait à sortir lorsqu’il aperçut une porte un peu en retrait des autres au fond du couloir de la caserne. Il s’approcha et vit l’inscription:


Armé jusqu’aux dents
Un sourire sincère illumina le visage de Lucci. La chance tournait enfin à son avantage. Il rentra et alluma la lumière. La pièce était assez profonde, et des rangées complètes d’armes diverses la traversaient.
D’abord, il saisit deux énormes canons qu’il plaça en bandoulières dans son dos. Puis, il rentra deux pistolets dans son pantalon, par-dessus sa chemise, pour pouvoir les dégainer rapidement. Il s’arma d’une mitraillette lourde dans une main, d’une carabine dans l’autre, et prit un énorme sac de munitions sous son épaule. Il rentra des couteaux dans ses souliers et dans ses manches, pour être prêt à toute éventualité, et prit trois katana, qu’il rentra dans leur fourreau respectif et qu’il accrocha à sa ceinture. Il emporta quelques explosifs avec lui dans le sac de munitions. En outre, il mit des grenades dans ses poches. Puis, comme ultime précaution, Lucci plaça arma une bombe sur une des tablettes et emporta le détonateur avec lui. Il rentra dans la salle de bain (qui est à mi-chemin entre le salon et le dépôt) et cria:
-À L’AIDE! IL Y A QUELQU’UN DANS LE DÉPÔT!
Tous les gardes qui se trouvaient dans le salon se hâtèrent jusqu’au dépôt. Lucci, les contournant sans se faire repérer, sortit de la caserne et s’éloigna de quelques mètres. Puis, il appuya sur le détonateur.
Une énorme explosion retentit, suivit d’une dizaine d’autres tous plus grosses les unes que les autres. Le premier étage de la caserne sauta, puis le second, puis le troisième. Étant privé de ses fondations, le bâtiment s’effondra dans un nuage de poussière et de roches, agrémenté par les explosions qui retentissaient encore en provenance du dépôt d’arme. Lucci venait de se débarrasser de la caserne et d’un bon nombre de patrouilleurs.
Tout les gardes des alentours furent évidemment alertés, mais lorsqu’ils arrivèrent sur les lieux, ils ne virent rien d’autre qu’un gigantesque nuage de fumée. Au son d’un pas retentissant dans le silence absolu, ils dégainèrent leurs pistolets. Ces gardes étaient au nombre de 48, mais ce jour-là, ils moururent tous. En effet, Lucci ne laissa aucun survivant.
Après l’explosion, il fut un peu sonné, mais rien de bien grave. Il sortit du nuage de fumée pour découvrir les 48 gardes qui se tenaient devant lui, tous plus ébahis qu’ils ne l’avaient jamais été. Instinctivement, il appuya sur la gâchette de la monstrueuse gatling qu’il tenait dans son bras droit et mitrailla impitoyablement tous les patrouilleurs, s’aidant de sa carabine dans la main gauche pour les achever lorsqu’ils étaient à terre, encore en vie. Il aperçut quelques patrouilleurs sur une passerelle au niveau des bassins qui lui tiraient dessus. Au lieu de les tuer, Lucci voulu leur faire vivre de réelles souffrances: il tira sur la passerelle afin de les faire tomber dans le sang bouillant. Des renforts sortirent de l’escalier qui menait à l’étage 3: l’alerte avait été donnée. Un des gardes, entre la vie et la mort, s’écria:
-Pourquoi as-tu fait ça? Lorsque les gardes bestiaux te trouveront, tu ne tiendras pas un instant.
-FERME-LA! CE SOIR, JE REMONTE D’ENFER!
Il martela le crâne du survivant avec ses bottes jusqu’à ce qu’il n’en reste que de la bouillie. C’est alors qu’il entendit des bruits en provenance des bâtiments remplis de cellules. Les gardes qui s’y trouvaient avaient été alertés et se hâtaient à sortir en dehors. Une véritable foule s’amassa autour de Lucci en moins d’une minute. Des rafales de balles s’abattirent sur Lucci, mais il ne se laissa pas avoir. D’abord, l’évadé lança deux grenades fumigènes, à sa gauche et à sa droite, et effectua un saut de ses puissantes jambes de léopard pour retomber sur une des passerelles. De là, il se mit à courir sous la pluie de balles qui s’abattait sur lui pour atteindre un des bâtiments de cellules. Il grimpa les étages pour arriver sur le toit, d’où il eut alors une vue imprenable sur l’étage 4. Outre les bassins et les passerelles, il pouvait voir l’escalier par lequel il était entré, et l’escalier par lequel il devrait sortir. Une patrouille l’avait déjà rattrapé sur le toit et lui envoya des couteaux de lancer. Lucci laissa de côtés l’énorme canon qu’il tenait dans sa main droite pour prendre un katana. Il trancha les cinq patrouilleurs d’un seul coup, les laissant à l’agonie sur cet endroit inaccessible. Puis, il sauta de bâtiments en bâtiments, en mettant parfois le pied sur un passerelle ou un rebord de bassin, jusqu’à la cage d’escalier par laquelle il pourrait finalement sortir. Malheureusement, un des gardes bestiaux venait d’arriver sur les lieux. C’était minotaure. Il était déjà aux prises avec une bande de prisonniers, Lucci resta donc à l’écart. Il n’eut pas le temps de se reposer, car une dizaine de patrouilles l’avaient rejoint. L’évadé en avait assez de se faire pourchasser partout où il allait. Il sauta sur une passerelle et appuya sur la détente de sa gatling. Il fit feu sur les patrouilles pour les réduire en bouillie et tira sur un bassin pour faire s’écouler le sang bouillant qui s’y trouvait. Ainsi, il sépara l’étage en 2: la première partie contenait les patrouilles et l’escaliers vers l’étage 5; la deuxième partie contenait Lucci, le minotaure, la bande de pirates et l’escalier vers l’étage 3.
D’ailleurs, il était temps pour Lucci d’intervenir dans le combat opposant les prisonniers au garde bestial. Lorsqu’il arriva, un homme accoutré comme un prêtre venait d’être projeté sur un mur et mit définitivement K.-O. Il restait deux hommes, qui n’avaient pas l’ombre d’une chance face à ce monstre. Ce dernier, lorsqu’il en eut finit avec ses prisonniers, voulu les ramasser pour les reconduire jusqu’à leurs cellules. C’est à ce moment que Lucci fit son apparition.
-EH! TOI L’AFFREUX! ICI! REGARDE ICI!
Minotaure se retourna. Il brandit sa massue vers Lucci, et ce dernier fit de même avec sa gatling. Le garde bestial s’élança vers lui, mais ne l’atteignit jamais, car sa cible avait mis de côtés sa gatling pour dégainer ses deux gigantesques canons, déjà chargés. Un boulet de canon partit en direction de la bête, qui l’esquiva avec aisance. Lucci, sans pour autant se décourager, prit un katana dans sa puissante mâchoire et fonça vers Minotaure qui était en train d’éviter la précédente attaque de son opposant. Il trancha un des bras de la bête. Elle poussa un cri de douleur avant de retomber sur ses sabots. Elle souleva sa massue de son autre bras et l’abattit impitoyablement sur Lucci, qui évita avec aisance l’attaque. Furieux, Minotaure se mit à donner des coups de masses dans toutes les directions. Les murs se mirent à trembler et une craque fissura le sol. Il était dans une rage meurtrière et lorsqu’il cessa de psalmodier dans tout les sens, il jeta à Lucci un regard lugubre teinté de rouge sang. Ce dernier ne se laissa pas du tout intimider: il se transforma en forme hybride et agrippa le garde bestial. Puis, il le lança sur les parois d’un bassin, un peu plus loin. Au contact du métal, la peau de Minotaure prit feu.
-As-tu vraiment besoin d’un coup de grâce?
Un mouvement de la part de la bête indiqua qu’elle n’était pas morte, et qu’un coup de grâce était effectivement nécessaire. Lucci pointa ses deux canons lourds vers son opposant et tira. Deux boulets de canons vinrent se loger dans la poitrine de l’énorme homme-taureaux. Les boules de fer traversèrent son corps musclé et rentrèrent dans la paroi du bassin, déversant ainsi du sang bouillant sur son cadavre.
Celui-là ne se relèverait jamais.